ET CE QUI SEMBLAIT OBSTACLE...NOUS ECLAIRE!
Alfred Manessier, artiste picard est chargé de faire le projet des nouveaux vitraux de l'église du Saint Sépulcre d'Abbeville, en remplacement de ceux détruits à la dernière guerre.
C'est un artiste moderne, sensible aux effets changeants de lumière de la Baie de Somme. Il choisit de jouer avec cette lumière dans cet édifice ancien pour transcrire la Passion de Jésus et la Résurrection. Pour celle-ci: « Immense joie de Pâques », il imagine tout autour du chœur, un grandiose assemblage de morceaux de verre aux couleurs variées, éclatantes de vie, changeantes selon les moments de la journée, se réfléchissant sur le sol et les murs, les multipliant à l'infini. Cet assemblage de pièces, de formes différentes, convergent pour la plupart, vers le haut et au milieu de son travail, faisant monter notre joie et notre prière vers Dieu. Impossible, il le sait, de réaliser une œuvre d'un seul tenant dans cette église à l'architecture ancienne. Alors, il va s'y appuyer pour mener son projet à bien. Tout en soutenant son travail, les montants de pierre suggèrent que la joie de Pâques peut passer à travers tout et venir à bout de tout. Son travail se répartit en sept vitraux de chacun trois panneaux (voir petite photo qui représente 5 des 7 vitraux consacrés à la Résurrection).
Le photographe qu ressent cet élan, et ne peut cadrer l'ensemble sans perdre l'intensité des couleurs, choisit pour traduire « la joie de Pâques », d'en montrer les couleurs de joie, et les directions convergentes vers le haut. Il fixe son objectif sur le panneau central où un morceau de verre, plus grand que les autres et d'un rouge intense attire son regard. Il y voit la forme d'un cœur. Et pour lui: cela évoque l'amour de Jésus donné, jusqu'au sacrifice de sa vie, à tous les hommes de tous les temps... Alors, curieusement, après coup, il constate, qu'une lumière venue des autres vitraux éclaire le montant de pierre. Cette lumière, d'abord gênante, révèle d'autres lumières blanches, toutes proches mais qu'il ne percevait pas. Il pense que, peut-être, ces petits morceaux de verre incolore représentent les hommes à venir. Il est touché par ces lumières. Il les reçoit. Il les voit. Et la pierre ancienne devient source de Lumière donnant sens à l'ensemble des sept vitraux « Joie de Pâques ». Vie offerte à tous les hommes de tous les temps, par Jésus. Passé encore présent d'une église et moment présent se rejoignent pour continuer l'avenir.
Détail du panneau central des 21 panneaux formant: «La joie de Pâques» d'Alfred Manessier. Église St Sépulcre Abbeville (Picardie)© ML Liégeois
Petit morceau de verre tout seul qui n'était rien.
Un jour se laissant traverser et travailler par la Lumière,
il participe à l'immense vitrail de tous les hommes
où les différences de chacun deviennent richesses de l'ensemble.
Ne nous laissons pas envahir par nos ombres.
Soyons petits morceaux de verre.
Laissons-nous traverser et travailler
par la Lumière,
pour que d'autres soient touchés
et participent à cette Lumière.
Laissons passer,
dans nos paroles, nos regards,
nos gestes, nos actions
d' infimes parcelles,
de l'Amour infini de Dieu
D'autres aussi, de manière différente
se laissent toucher, traverser et travailler
par l'Amour infini de Dieu
et en renvoient des parcelles.
Sachons, joyeusement,
dans la chaîne du temps:
passé, présent,
en reconnaître les signes.
Comme le maître-verrier,
inlassablement, avec une patience infinie,
adoucit les bavures des morceaux de verre
et, avec les plombs, les fait tenir ensemble
alors qu'ils semblaient si différents et incompatibles,
adoucissons nos rugosités blessantes
pour garder intactes l'harmonie
et la beauté de l'ensemble,
et pour l'avenir,
le faire grandir.
Marie-Lise